Ce numéro 7 d'un Banian estival se voudrait savoureux, et doué de la faculté d'ouvrir l'appétit de ses lecteurs pour une culture capable de concevoir à la fois plaisirs de la bouche, techniques éprouvées depuis des siècles pour nourrir tout un peuple, et génie d'une vigoureuse littérature orale : contes, poèmes, récits vous charmeront assurément. Mais cette même culture peut aussi générer d'immenses souffrances, infligées par les coups du sort de la nature ou directement par l'homme. Ainsi, nous envisagerons, tout au long de ce numéro, les paradoxes de la vie indonésienne.
Si Rabelais cherchait, à travers Gargantua, à nous montrer que l'homme - au contraire de la bête - est fait pour rire, encore faut-il qu'il se nourrisse. La riziculture répandue sur tout le continent asiatique se plaît dans les sociétés structurées, où elle façonne admirablement les notions d'harmonie dans les danses, la musique, les cérémonies liées aux récoltes, la forme même des rizières. Le riz n'est pas juste une nourriture, c'est un élément fondamental de la culture indonésienne, même si aujourd'hui les rizières tendent à laisser leur place et splendeur aux investisseurs immobiliers ou aux terrains de golf..
Les chiffres du Ministère de l'agriculture montrent qu'en une trentaine d'années environ 500 000 hectares de rizières ont fini par céder la place au chant des sirènes du développement « moderne », ce qui entraîne, aujourd'hui, l'improbable obligation d'importer du riz des pays voisins !
Romantisme des vertes rizières, enfer - non moins vert parfois, mais absolument dénué de poésie - alterneront donc dans ce numéro intitulé « Le riz est le propre de l'homme. ».
Je voudrais conclure en remerciant Thomas Beaufils et Igor Rochette - appelés par d'autres aventures - pour leur collaboration passée ; désintéressée, elle fut constante, toujours très intéressante pour Le Banian. Par ailleurs, je salue la venue de Christine Delangle et de Georges Voisset qui réussiront, n'en doutons pas, la prouesse de combler ce vide.
En Indonésie il y a deux récoltes de riz par an, une en décembre et janvier, puis une, plus petite, à la fin du printemps. Comme la sécheresse de l'été diminue bien souvent la quantité de riz emmagasiné, le prix du riz monte significativement en automne ; les Indonésiens appellent cette période Kemarau, lapar, ou kemarau dan kelaparan :
« saison crève-la-faim ».