Associer les termes Renseignement et Ethique au sein d'un même propos semble être un oxymore tant le renseignement a une réputation sulfureuse. Pourtant, et il faut le marteler avec insistance : dans un Etat démocratique les services de renseignements, parce qu'ils tiennent la ligne de front face à des menaces invisibles mais bien réelles, sont au service de l'Etat de droit, des citoyens et de la démocratie. Toutefois, par delà l'encadrement juridique auquel il est soumis, et à l'instar de la plupart des activités humaines, force est de constater que le renseignement ne manque pas d'interpeller par les dilemmes éthiques qu'il soulève.
Le Groupe Européen de Recherches en Ethique et Renseignement (GERER) constitué des praticiens du renseignement et d'universitaires francophones ne cherche pas pour autant à surfer sur le regain d'intérêt pour l'espionnage suscité récemment par l'affaire Snowden, mais s'attache plutôt à combler le retard pris par les pays de culture francophone dans un domaine dont les contours commencent à se figer sur la base d'approches intellectuelles et opérationnelles purement anglo-saxonnes.
Soucieux de développer une réflexion de fond autour d'un problème crucial pour l'avenir de la démocratie, le présent ouvrage, parce qu'il met en perspective des sujets trop souvent déformés par un traitement médiatique accrocheur, s'adresse tant aux professionnels du renseignement qu'à un public plus large. Au travers d'études de cas, il permet de s'initier aux dilemmes éthiques qui se posent à ces agents de l'Etat qui exercent un métier hors du commun.
Le maintien de l'ordre est une fonction régalienne centrale, dont l'exercice garantit depuis toujours la stabilité des Etats et la cohésion des Nations. Jadis confié à des troupes prétoriennes, le maintien de l'ordre, dont l'importance avait été progressivement perdue de vue, fut progressivement dévolu à des troupes non spécialisées dans cette matière, amateurisme aux conséquences néfastes, tant s'agissant de la pérennité des régimes en place qu'en ce qui concernait l'intégrité physique des manifestants d'alors. En France, ce n'est qu'au début du XXè siècle que furent enfin mises sur pied des unités professionnelles spécialisées dans l'exercice du maintien de l'ordre. Ce domaine constitue depuis lors un véritable métier, que les exigences modernes rendent chaque jour plus dense. De fait, l'expertise du maintien de l'ordre est complexe, puisque cette fonction transverse d'essence civile se pratique à la fois en temps de paix ou de crise sur le territoire national, mais également en temps de crise voire de guerre en opérations extérieures. Il comporte donc deux champs d'application, civil et militaire. En effet, l'approche globale des conflits armés conduit désormais les responsables d'opérations militaires d'envergure à souvent doter leur dispositif de puissance d'une composante dédiée au seul maintien de l'ordre.
Sur fond de mondialisation, l'émergence et l'universalité progressive de l'Etat de droit rend plus importante aujourd'hui encore cette fonction dont l'exercice conditionne directement la liberté de s'exprimer et d'entreprendre de l'individu moderne. Or, très paradoxalement, cette matière est encore peu étudiée, sinon parfois sous les seuls angles par trop réducteurs du juridisme et de la technicité.
Dans ce contexte, l'ouvrage de Philippe Cholous trouve ainsi toute sa place. Il nous apporte ici une première réflexion de fond qui, combinant approche philosophique du maintien de l'ordre, expertises militaire et policière croisées des opérations, analyses a posteriori de nombreux engagements vécus, envisage l'art du maintien de l'ordre dans toute sa globalité et sa complexité. Ouvrant un champ de réflexion nouveau, son traité fera sans nul doute référence.